Le Conseil constitutionnel,
Vu les articles 6, 7 et 58 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu l'article 3 de la loi no 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ;
Vu la loi organique no 76-97 du 31 janvier 1976 modifiée sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ;
Vu le décret no 76-950 du 14 octobre 1976 modifié portant application de la loi organique du 31 janvier 1976 susvisée ;
Vu le décret no 2001-213 du 8 mars 2001 modifié portant application de la loi du 6 novembre 1962 susvisée ;
Vu le décret no 2002-346 du 13 mars 2002 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ;
Vu le code électoral en ses dispositions rendues applicables par les textes susvisés ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel du 12 mai 1995 proclamant M. Jacques Chirac Président de la République et la date à laquelle celui-ci a pris ses fonctions ;
Vu la déclaration du Conseil constitutionnel du 24 avril 2002 faisant connaître les résultats du premier tour de scrutin ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel du 25 avril 2002 arrêtant la liste des candidats habilités à se présenter au second tour de l'élection du Président de la République ;
Vu les procès-verbaux établis par les commissions de recensement, ainsi que les procès-verbaux des opérations de vote portant mention des réclamations présentées par des électeurs et les pièces jointes, pour l'ensemble des départements, les îles Wallis et Futuna, la Nouvelle-Calédonie, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon ;
Vu les résultats complets adressés au Conseil constitutionnel, par télétransmission, par la commission de recensement de la Polynésie française ;
Vu les résultats consignés dans le procès-verbal de la commission électorale instituée par l'article 5 de la loi du 31 janvier 1976 susvisée pour les Français établis hors de France ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 mai 2002 au secrétariat général du Conseil constitutionnel, par lequel le préfet du département de l'Aude défère les opérations électorales de la commune de Villemagne, en application du deuxième alinéa de l'article 30 du décret du 8 mars 2001 susvisé ;
Vu les réclamations qui ont été adressées au Conseil constitutionnel ;
Vu les rapports des délégués du Conseil constitutionnel ;
Les rapporteurs ayant été entendus ;
Après avoir rejeté comme irrecevables les réclamations d'électeurs parvenues directement au Conseil constitutionnel en méconnaissance du premier alinéa de l'article 30 du décret du 8 mars 2001 susvisé ;
Après avoir examiné, parmi les réclamations portées par les électeurs aux procès-verbaux des opérations de vote, celles mettant en cause les opérations électorales dans leur ensemble, et conclu que les faits exposés, à les supposer établis, n'étaient de nature à porter atteinte ni à la régularité ni à la sincérité du scrutin ;
Après avoir statué sur les autres réclamations mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote ;
Après avoir opéré diverses rectifications d'erreurs matérielles et procédé aux redressements qu'il a jugé nécessaires, ainsi qu'aux annulations énoncées ci-après ;
Sur les opérations électorales :
1. Considérant que, au voisinage immédiat du bureau de vote de la commune de Villemagne (Aude), dans lequel 157 suffrages ont été exprimés, le maire de la commune a, d'une part, mis à la disposition des électeurs un dispositif symbolique de « décontamination », d'autre part, organisé un simulacre de vote invitant les électeurs à désigner un candidat ne figurant pas au second tour ; que ces agissements annoncés et conduits par l'autorité même chargée des opérations électorales dans la commune sont incompatibles avec la dignité du scrutin et ont été de nature à porter atteinte au secret du vote ainsi qu'à la liberté des électeurs ; que, dans ces conditions, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans cette commune ;
2. Considérant que, dans les bureaux no 1 de la commune de Furiani et no 15 de la commune de Bastia (Haute-Corse), dans lesquels 957 et 279 suffrages ont été respectivement exprimés, la commission départementale de recensement des votes a relevé des discordances importantes et non justifiées entre, d'une part, le nombre des bulletins déclarés blancs et nuls dans les procès-verbaux retraçant les résultats et, d'autre part, les bulletins blancs et nuls joints à ces mêmes procès-verbaux ; qu'en outre, les causes d'annulation de vingt-deux bulletins, dans le bureau no 1 de la commune de Furiani, et de dix-neuf bulletins, dans le bureau no 15 de la commune de Bastia, demeurent inexpliquées ; qu'il résulte enfin de l'instruction que les conditions dans lesquelles ces bulletins blancs et nuls ont été annexés aux procès-verbaux ont méconnu les dispositions de l'article L. 66 du code électoral ; que, dans ces conditions, le Conseil constitutionnel n'est pas en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité des opérations de vote ; qu'il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans les bureaux susmentionnés ;
3. Considérant que, dans le bureau de vote de la commune de Mettray (Indre-et-Loire), dans lequel 1 230 suffrages ont été exprimés, il n'a pas été procédé au dépouillement des votes dans les formes prévues par l'article L. 65 du code électoral ; qu'en l'espèce, cette irrégularité était de nature à entraîner des erreurs et pouvait favoriser des fraudes ; que, devant cette méconnaissance délibérée de dispositions destinées à assurer la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans cette commune ;
4. Considérant que, dans les bureaux de vote nos 3 et 4 de la commune de Mazingarbe (Pas-de-Calais), dans lesquels 817 suffrages ont été exprimés, il n'a pas été procédé au contrôle d'identité des électeurs, en violation des articles L. 62 et R. 60 du code électoral ; que cette irrégularité s'est poursuivie en dépit des observations faites à ce sujet par le magistrat délégué du Conseil constitutionnel ; que, devant cette méconnaissance délibérée et persistante de dispositions destinées à assurer la régularité et la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ces bureaux ;
5. Considérant que, dans le bureau de vote de la commune d'Erstein (Bas-Rhin), dans lequel 1 457 suffrages ont été exprimés, de nombreux électeurs ont été autorisés à voter sans être passés par l'isoloir en violation de l'article L. 60 du code électoral ; qu'en outre, il n'a pas été procédé au contrôle d'identité de tous les électeurs, contrairement à ce qu'exige, pour les communes de plus de 5 000 habitants, l'article R. 60 du même code et ce malgré les observations du délégué du Conseil constitutionnel ; que, devant cette méconnaissance délibérée et persistante de dispositions destinées à assurer la régularité et la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans cette commune ;
Sur l'ensemble des résultats du scrutin :
Considérant que les résultats du second tour sont les suivants :
Electeurs inscrits .................... 41 191 169
Votants .................... 32 832 295
Suffrages exprimés .................... 31 062 988
Majorité absolue .................... 15 531 495
Ont obtenu :
M. Jacques Chirac .................... 25 537 956
M. Jean-Marie Le Pen .................... 5 525 032
Qu'ainsi M. Jacques Chirac a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés requise pour être proclamé élu ;
En conséquence,
Proclame :
M. Jacques Chirac Président de la République française à compter du 17 mai 2002 à 0 heure.
Les résultats de l'élection et la déclaration de la situation patrimoniale de M. Jacques Chirac seront publiés au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 6, 7 et 8 mai 2002, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe, Pierre Mazeaud, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.